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Le littoral montserratien : entre contraintes physiques et risques naturels majeurs, le modèle littoral/intérieur en question
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Très médiatisée depuis la fin des années 1990, l’île de Montserrat est l’un des points chauds les plus actifs de la ceinture volcanique caribéenne. Cette île compte pas moins de sept volcans, le plus actif étant celui du complexe de la Soufrière Hills. Entre 1995 et 1997, cette île connut l’une de ses phases éruptives les plus intenses, qui dévasta aussi bien la capitale Plymouth que l’essentiel de ses éléments structurants (routes, port, aéroport), soit environ 75 % des 102 km2 de sa superficie (figure 1). Disposant de barrières naturelles limitantes, le développement du tissu économique local est d’autant plus difficile que l’espace littoral demeure en majeure partie répulsif, faisant de Montserrat une île en sursis. Au-delà de la simple étude de cas, cette île impose une réflexion relative au modèle littoral/intérieur. Au terme de cette dernière, une modélisation graphique relative à l’organisation et aux principes de fonctionnement de l’espace insulaire montserratien sera proposée.
Montserrat : un territoire aux contraintes naturelles fortes
Localisé par 16° 45’ Nord et 62° 12’ Ouest, à 50 km environ au Nord-Est de l’archipel de la Guadeloupe, Montserrat est l’un des micro espaces insulaires des îles sous le vent. Avec un indice d’insularité de 0,4, cette île demeure un territoire sous influence maritime mais au relief vigoureux et dense. Située en bordure de la zone de subduction de la plaque Atlantique, l’île dispose d’une des concentrations volcaniques les plus importantes. Très tôt nommée « l’île d’émeraude », en raison de l’importance de son couvert végétal, le toponyme « Montserrat » lui fut attribué par les premiers colons (qui l’abordèrent vers 1493) en raison de ses nombreux escarpements ; c’est dire l’importance de cette barrière orographique. Sa frange côtière constitue également une barrière. Si l’île dispose d’un linéaire côtier d’environ 40 km, les trois-quarts sont constitués d’un littoral déchiqueté et composé de falaises importantes. La présence de récifs frangeants sur la côte Atlantique limite encore l’usage de l’espace littoral que les houles battent quotidiennement.
A partir de 1650, l’appropriation et la mise en valeur de l’île, se sont donc orientées en zone sublittorale (petites plaines), circonscrite d’un côté par les premiers escarpements volcaniques et de l’autre par un littoral peu accueillant. Cette disposition perdure aujourd’hui encore et sous-tend un réseau urbain peu développé (jusqu’à 11 000 habitants avant les éruptions entre 1995 et 1997, dont 15 % d’urbains) autour d’un marché et d’une économie locale encore très fragiles.
Même si la disponibilité foncière demeure particulièrement limitée, Montserrat reste résolument tournée vers les activités touristiques, de service et de commerce, ce qui représente aujourd’hui 77 % de sa structure économique, contre 21 % pour les activités industrielles (composants électroniques, textiles, etc.) et 2 % pour l’agriculture vivrière, qui ne parvient pas à satisfaire la demande locale. Ces contraintes, exacerbées par le risque volcanique et la faible utilisation de la zone littorale, font de Montserrat une île totalement dépendante des marchés extérieurs (cela se traduit par un taux de pénétration des produits extérieurs de 80 %). Depuis la destruction de la majeure partie de l’île en 1997, les marchés immobilier et touristique connaissent une relance forte, réduisant d’autant plus la disponibilité foncière, dans la mesure où seul le quart nord-est de l’île reste encore viable et concentre l’essentiel des 4 000 habitants qui ont fait le choix de rester sur place. Les nombreuses dégradations écologiques dues à l’activité volcanique annihilent les perspectives de développement économique et surtout agricole.
Le volcanisme montserratien, un facteur incontournable de l’organisation spatiale
A Montserrat, l’emprise des volumes montagneux est totale. L’île est constituée à 60 % de reliefs, certes peu puissants, mais dont les versants demeurent particulièrement accidentés (figure 1). Du Nord au Sud, c’est un véritable chapelet de volcans qui se succède autour de deux entités majeures : Soufrière Hills (975 m) et Chances Peak (914 m). Seule la côte sous le vent et quelques petites plaines intérieures autour des villes comme Streatham ou encore Harris et Bethal, bénéficient d’une topographie plus douce, autorisant la mise en valeur et le développement des activités économiques.
Toutefois, suite aux phénomènes éruptifs dévastateurs, les activités politiques, économiques et décisionnelles furent transférées au nord de l’île où siège le gouvernement (figure 1). Une zone d’exclusion fractura ainsi l’île en deux pans : un secteur sud totalement dévasté par les nuées ardentes, les lahars et les émanations de gaz toxiques, et une zone septentrionale échappant aux dégradations majeures.
Aujourd’hui, la zone méridionale s’apparente à un véritable angle mort. Depuis, le regroupement des 4 000 habitants sur un quart de l’île, la charge écologique est forte et est même majorée par de nombreuses incidences post-éruptives. Les retombées de matériaux volcaniques sur l’île - telles que les cendres - ont induit de nombreuses précipitations acides endommageant aussi bien la couverture végétale (passant de 40 % en 1996, à 27 % en 2004), les terres arables que les rares zones de mangroves et de récifs frangeants. En définitive, au-delà de la barrière littorale, les massifs montagneux et volcaniques de l’intérieur de l’île s’érigent simultanément en une double contrainte pesant lourdement sur les dynamiques spatiales montserratiennes particulièrement atones (figure 1).
Conclusion
Contrairement aux autres îles de la Caraïbe qui, à partir de leur littoral, connaissent des dynamiques d’évolution et de croissance remarquables, l’île de Montserrat, reste toujours soumise à ses contraintes naturelles et au risque volcanique, tous deux consommateurs d’espace et singulièrement d’espace littoral. Le modèle littoral/intérieur, sans pour autant être remis en question, apparaît donc véritablement à géométrie variable. A partir de sept structures spatiales élémentaires, une proposition de modélisation graphique, relative à l’organisation et aux principes de fonctionnement de l’espace montserratien, sera présentée (figure 2) dans le but d’appréhender Montserrat comme une « île barrière » aux dynamiques futures inquiétantes, d’autant que d’autres micro espaces insulaires caribéens se calquent de plus en plus sur cette logique.
Catégorie : Zoom sur Montserrat
Pour citer l'article : Pelis, Y., Safache, P., (2014). "Le littoral montserratien : entre contraintes physiques et risques naturels majeurs, le modèle littoral/intérieur en question" in Cruse & Rhiney (Eds.), Caribbean Atlas, http://www.caribbean-atlas.com/fr/thematiques/geographie-physique-et-ressources-naturelles/zoom-sur-montserrat/le-littoral-montserratien-entre-contraintes-physiques-et-risques-naturels-majeurs-le-modele-littoral-interieur-en-question.html.
Références
- Commission économique pour l’Amérique Latine et la Caraïbe, Comisión Económica para América Latina y el Caribe, [CEPAL]. 2004. Economic survey of Latin America and the Caribbean. Nations Unis/CEPAL publications, Support numérique CD-rom.
- Institut des Statistiques et des Etudes Economiques [INSEE]. 2004. Panorama de l’espace Caraïbe 2004. S.L. : Inséé direction interrégionale Antilles/Guyane, 208 p.
- Observatoire Volcanologique de Montserrat, Montserrat Volcano Observatory [MVO]. S.L. : S.N., rapports d’évaluation et d’évolution de l’activité volcanique 1995-1999 ; 1999-2004.
- Oeggl B. 1999. The Montserrat problem. Department of Geography University of Aberdeen : S.N., 8 p.- Saffache P. 2003. Glossaire de géomorphologie, Paris : Ibis rouge, Presses Universitaires Créoles, 172 p.
- Saffache P. 2003. Dictionnaire de géographie de la mer et des littoraux. Paris : Ibis rouge, Presses Universitaires Créoles, 101 p.
- The times book. 2003. Atlas of the world. London : Times book, 216 p.
- Yacou A. (dir.).1999. Les catastrophes naturelles aux Antilles: d’une soufrière à l’autre. Paris : Karthala, 324 p.