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Montserrat : une île à risques
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Soufriere Hill Eruption
Située au sud-ouest d’Antigua et au nord-ouest de la Guadeloupe, l’île de Montserrat est la plus méridionale des îles sous-le-vent. D’une superficie de 102 km2, ce territoire britannique d’outre-mer (administré par un gouverneur, assisté d’un conseil législatif et d’un conseil exécutif) fut surnommé « l’île émeraude des Antilles », en raison du caractère verdoyant de ses versants volcaniques. Il est vrai que sur ce petit territoire, la luxuriance de la végétation n’a d’égale que la diversité faunistique et particulièrement ornithologique ; trois espèces de colibris y ont d’ailleurs été recensés, alors qu’il n’en existe généralement que deux dans les autres îles de la Caraïbe.
Jusqu’en 1994, cette île bénéficia d’une forte renommée touristique, qui conduisit de nombreux retraités américains, britanniques et canadiens à s’y installer. Bien que la capacité hôtelière de l’île soit limitée, de nombreux touristes venaient y passer la journée puis se repliaient ensuite sur les îles voisines (Antigua, La Guadeloupe, etc.). D’origine volcanique, la couverture sédimentaire des anses sablonneuses est de couleur noire, à l’exception d’une plage (située au nord de l’île), circonscrite par des récifs coralliens, qui est un haut lieu de la plongée sous-marine.Cette présentation quasi idyllique ne doit nullement occulter le fait que cette île, à l’image de nombreuses autres îles de la Caraïbe, est soumise à de nombreux aléas naturels (éruptions volcaniques, ouragans, etc.) et par conséquent à une vulnérabilité exacerbée.
En juillet 1995, la Soufrière Hills (volcan de type péléen, appelé aujourd’hui volcan gris) entra en éruption après plus de 20 000 ans d’inactivités. Cela se traduisit par l’émergence d’un dôme volcanique, des coulées de débris, des lahars et plus généralement des nuées ardentes. La capitale Plymouth, petite ville à l’architecture Georgienne, fut ensevelie sous 60 centimètres de cendre, alors que d’autres régions furent littéralement fossilisées par 5 ou 6 m de dépôts volcaniques. La région méridionale de l’île due être totalement évacuée, et sur les 12 000 habitants que comptaient l’île en 1995, seuls 4 000 acceptèrent d’être relogés dans la partie septentrionale (les autres migrèrent vers Antigua, la Grande-Bretagne et de façon plus marginale vers les États-Unis). Bien que la phase éruptive la plus active soit passée, de temps à autre l’île est agitée de secousses sismiques et d’effondrements de pans de versants volcaniques. En dehors de ces manifestations relictuelles, la vie reprend doucement son cours sur l’île, bien que la moitié sud soit encore interdite pour les dix ou quinze prochaines années.
Au cours de son histoire récente, l’île de Montserrat eut à souffrir des dégâts causés par les ouragans. En 1979 (David), en 1989 (Hugo) et plus récemment en 1995 et en 1998 (Luis et Georges), les houles cycloniques rabotèrent sa frange côtière avec force. Pour ne prendre qu’un exemple, lors du passage du cyclone Luis en 1995, la plage de Fox’s Bay (côte ouest) se replia sur plus de 20 m, alors qu’elle recule en moyenne chaque année de 2,3 m (UNESCO, 2000). En 48 heures, les mécanismes hydrodynamiques marins (houles, courants, etc.) libérèrent une énergie équivalant à 10 années d’érosion. Cette dynamique n’est pas exceptionnelle, puisqu’en 1979 et en 1989 lors du passage des ouragans David et Hugo, les plages qui étaient traditionnellement en phase d’accrétion [Sugar Bay (+ 0,9 m/an), Old Road Bay (+ 1,9 m/an), Carr’s Bay (+ 0,8 m/an) et Fram’s Bay (+ 2,1 m/an)] reculèrent d’une quinzaine de mètres en moyenne en moins de 48 heures. Celles qui étaient traditionnellement érodées [Sturge Park Beach (-2,6 m/an), Woodlands Bay (-1,1 m/an) et Little Bay (-1,5 m/an)] s’amenuisèrent encore plus vite : une vingtaine de mètres en 36 heures.
A ces mécanismes spasmodiques, s’ajoutent une dynamique érosive saisonnière. De nombreuses plages de la côte occidentale sont soumises à une dynamique d’engraissement durant les mois de juin, juillet, août et septembre (au cours de l’été de l’hémisphère nord), alors qu’elles s’amenuisent fortement au cours des mois de décembre, janvier, février et mars (durant l’hiver de l’hémisphère nord), se transformant en de petites grèves dépourvues de sédiments ammophiles.
En dehors de l’impact de ces mécanismes (spasmodiques et/ou saisonniers) sur le trait de côte, les infrastructures anthropiques pâtissent aussi de cette dynamique, car cela se traduit par un sapement de la base des talus qui supportent les voies de communications, une mise à nu des fondations des maisons (plage de Carr’s Bay après le passage de l’ouragan Georges en 1998) et plus généralement une destruction des infrastructures côtières qui, se trouvant subitement au contact de la zone de déferlement, doivent être abandonnées (ce fut le cas de maisonnettes construites sur le Plage de Fox’s Bay après le passage de l’ouragan Lenny en 1999).
Pour tenter de pallier cette situation, les autorités locales (Physical planning department, Fisheries division) s’associèrent au projet COSALC (UNESCO), qui vise à stabiliser les côtes et les plages des Petites Antilles. Des investigations furent donc menées entre 1990 et 1995, puis reprirent en 1999, après la crise volcanique. Au-delà du simple constat de forte érosion du trait de côte, trois solutions furent émises :
1. revégétaliser les anses sablonneuses par l’emploi de plantes endémiques ; par exemple, le raisinier bord-de-mer (Coccoloba uvifera), très répandu dans toutes les petites Antilles, est un arbuste disposant d’un réseau racinaire suffisamment dense pour stabiliser durablement le substratum ammophile. Il en est de même des patates bord-de-mer (Ipomea pès caprea) dont l’enchevêtrement du couvert foliaire et la densité du réseau racinaire empêchent toutes manifestations érosives. L’UNESCO préconisa même que ces deux espèces soient plantées prioritairement sur les espaces récemment gagnés sur la mer par les coulées volcaniques.
2. Imposer une largeur minimale en deçà de laquelle aucune construction côtière ne pourra être réalisée. En effet, après une dizaine d’années d’analyses diachroniques, il apparaît que le profil des plages tend à se replier de plus ou moins 15 à 25 m selon les saisons et selon les processus en cours. Une nouvelle législation devrait donc voir le jour et imposer que les constructions pionnières ne se développent qu’à une cinquantaine de mètres de la zone de déferlement.
3. Une autre solution consisterait à éviter l’emploi d’infrastructures de protection lourdes (digues, murs, enrochements, etc.), car elles perturbent durablement la dynamique labile du milieu littoral et particulièrement les échanges sédimentaires qui s’effectuent entre le haut et le bas de plage.
En Martinique et en Guadeloupe, des recommandations similaires ont déjà été formulées dans des publications scientifiques (Saffache, 1998 ; Saffache, 2002 ; Saffache, 2003) et lors de séminaires, sans que cela n’ait la moindre incidence sur les modalités d’aménagement. En définitive, qu’il s’agisse des îles de Montserrat, de la Martinique ou encore de la Guadeloupe, les modalités de protection et d’aménagement du milieu doivent se conformer à de vraies études de terrain et prendre appui sur des travaux scientifiques reconnus. Le respect de ces procédures est un premier pas vers une politique d’aménagement et de développement durables.
Catégorie : Zoom sur Montserrat
Pour citer l'article : Moullet, D., Saffache, P., (2014). "Montserrat : une île à risques" in Cruse & Rhiney (Eds.), Caribbean Atlas, http://www.caribbean-atlas.com/fr/thematiques/geographie-physique-et-ressources-naturelles/zoom-sur-montserrat/montserrat-une-ile-a-risques.html.
Références
- Fisheries division of Montserrat, Physical planning department of Montserrat, University of Puerto Rico, Sea Grant College program, Caribbean development Bank, UNESCO. 2000. Wise practices for coping with beach erosion, Montserrat. S.L. : S.N., 10 p.
- Saffache P. 1998. L’érosion du littoral nord-ouest de l’île de la Martinique entre 1955 et 1994 : influence des paramètres physiques et anthropiques, Photo Interprétation. Images aériennes et spatiales, Vol. 36, 98/4, p. 172-177.
- Saffache P. 2002. De l’érosion à la protection : éléments pour un aménagement côtier raisonné, Ecologie et Progrès, 2, p. 98-109.
- Saffache P. 2003. Petit guide de l’érosion côtière, Combat Nature, 143, p. 41-42.